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LE METIER D’HUISSIER DE JUSTICE

Aborder le métier d’Huissier de Justice revient à évoquer plusieurs points en commençant par une étude étymologique et un rappel des ancêtres de ce professionnel (I), avant d’envisager ses missions actuelles (II), puis l’accès à cette profession (III) et enfin son évolution (IV).

I)

L’étymologie et les ancêtres de l’Huissier de Justice

Étymologiquement le mot « huissier », vient de « Huis » qui signifie porte.
L’huissier c’était alors celui qui ouvrait et fermait les portes (exemple : l’officier dont la charge était d’ouvrir et de fermer la porte du cabinet du roi, de la reine et des princes).

Les ancêtres de l’Huissier de justice actuel étaient appelés en fonction de l’époque :

  • les apparitores et les exécutoires durant l’Antiquité, qui étaient chargés pour les premiers de rassembler le peuple lors des jugements, d’introduire les justiciables et d’assurer la police des audiences et pour les seconds de faire appliquer les décisions des juges ;
  • les Sergents et les Huissiers du Moyens Age : Les sergents s’occupaient des significations dans les juridictions seigneuriales, mettaient en forme les demandes des plaideurs et exécutaient les décisions rendues par les juges . Les huissiers avaient eux, la mission du service intérieur des audiences et de la police des tribunaux.

De nos jours, est dénommé huissier :

  • l’officier qui se tient dans l’antichambre des ministres, des hauts fonctionnaires, pour introduire les personnes qu’ils reçoivent en les annonçant.
  • Les gens préposés pour faire le service des séances de certains corps, de certaines assemblées délibérantes (ex : les huissiers du Sénat, de la Chambre des députés, Les huissiers de l’Institut).

Mais communément dans l’esprit de tout un chacun lorsque l’on parle de l’huissier, on fait référence à l’ Huissier de Justice, c’est-à-dire l’officier public, ministériel et l’auxiliaire de justice nommé par arrêté du Garde des Sceaux.

C’est un officier public, car il a des prérogatives de puissance publique (certaines mentions de ses actes sont authentiques et font ainsi foi jusqu’à la preuve d’une inscription de faux telle que la date par exemple).

C’est un officier ministériel, car il titulaire d’un office (ou d’une charge) et dispose du droit de présenter son successeur à la reprise de son office.

Enfin c’est un auxiliaire de justice, car il œuvre pour le service public de la justice par la tenue des audiences.

Ainsi, l’huissier était primitivement ou bien un fabricant d’huis, ou bien un gardien d’huis. Puis le gardien des huis des tribunaux est devenu un officier de justice. Ses missions sont diverses et variées.
II)

Les missions de l’Huissier de justice

Bien souvent, l’Huissier de Justice est cantonné à la personne qui saisi et expulse, mais son rôle va bien au-delà.
C’est l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers qui précise dans son article 1er les activités de ce dernier :

« Les huissiers de justice sont les officiers ministériels qui ont seuls qualité pour signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n’a pas été précisé et ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire.

Les huissiers de justice peuvent en outre procéder au recouvrement amiable ou judiciaire de toutes créances et, dans les lieux où il n’est pas établi de commissaires-priseurs judiciaires, aux prisées et ventes publiques judiciaires ou volontaires de meubles et effets mobiliers corporels. Ils peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire. Les huissiers de justice peuvent également accomplir les mesures conservatoires après l’ouverture d’une succession, dans les conditions prévues par le code de procédure civile. Ils peuvent être désignés à titre habituel en qualité de liquidateur dans certaines procédures de liquidation judiciaire ou d’assistant du juge commis dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel, dans les conditions prévues par le titre IV du livre VI et le livre VIII du code de commerce.

Les huissiers audienciers assurent le service personnel près les cours et tribunaux.

Ils peuvent également exercer à titre accessoire certaines activités ou fonctions. La liste de ces activités et fonctions ainsi que les conditions dans lesquelles les intéressés sont autorisés à les exercer sont, sous réserve des lois spéciales, fixées par décret en Conseil d’État. »

Ses fonctions peuvent être scindées en trois grandes catégories :

  • Les fonctions monopolistiques (a) ;
  • Les fonctions non monopolistiques ou « partagées » (b) ;
  • Les fonctions accessoires (c).

a) Les fonctions monopolistiques

Les activités monopolistiques sont qualifiées comme telles, car elles ne peuvent être exercées que par les offices d’Huissier de justice : soit l’Huissier de justice lui-même, soit concurremment avec son clerc significateur ou audiencier.

Elles sont au nombre de trois :

  • La signification : le fait pour l’Huissier de Justice ou son clerc significateur sous la responsabilité de l’Huissier de Justice de porter à la connaissance de son destinataire un acte de procédure en se rendant au lieu où il se trouve et en certifiant l’adresse.
  • L’exécution des titres exécutoires : le fait pour l’Huissier de Justice de mettre en œuvre les procédures d’exécution forcée permettant le recouvrement d’une créance constatée par un titre exécutoire à l’encontre d’un débiteur récalcitrant.
  • Le service des audiences : cette activité est détaillée aux articles 11 à 14 du Décret n°56-222 du 29 février 1956 pris pour l’application de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice. C’est le fait pour l’Huissier de Justice ou son clerc audiencier dans les matières civiles et pénales de faire l’appel des parties en cause et de faire régner l’ordre sous l’autorité du Président (cela est exceptionnel en matière civile). Il assure également les significations des actes (assignations, conclusions) d’avocat à avocat.
    Ces activités monopolistiques ne peuvent être exercées que dans les communes relevant de la Cour d’Appel où l’Huissier de Justice a établi sa résidence (Ex : un Huissier de Justice sis à Vitrolles (13127) relève de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence et ne pourra intervenir pour l’exercice de ses missions monopolistiques que sur les communes relevant de cette dernière. Ce qui englobe les villes du département des Bouches-du-Rhône (13), du Var (83), Des Hautes Alpes (04) et des Alpes Maritimes (06)).


b) Les fonctions non monopolistiques dites « partagées »

Ces missions sont dites non monopolistiques ou « partagées », car elles ne sont pas exclusives des offices d’Huissier de Justice. Elles sont prévues par le paragraphe IV du Décret n°56-222 du 29 février 1956 pris pour l’application de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice. Elles peuvent donc être exercées concurremment par d’autres professionnels. Elles sont de deux natures : d’une part les activités judiciaires (c’est-à-dire celles en relation avec un procès) et d’autre part les activités extrajudiciaires (celles en dehors de tout procès).


Il y a ainsi :

  • Le recouvrement : c’est le fait pour l’Huissier de Justice d’obtenir le paiement d’une créance de somme d’argent constatée dans un titre exécutoire (recouvrement judiciaire) ou résultant d’un acte sous seing privé (recouvrement amiable).
  • La représentation en justice : l’Huissier de Justice peut représenter ses clients devant certaines juridictions (ex : Tribunal de commerce muni d’un mandat spécial).
  • Les prisées et ventes publiques judiciaires ou volontaires de meubles et effets mobiliers corporels : l’Huissier de Justice peut estimer la valeur d’un bien (on parle de prisée) ou procéder aux ventes aux enchères judiciaires ou volontaires. Dans ce dernier cas, il doit se conformer aux lois et règlements relatifs aux commissaires-priseurs judiciaires, mais sous le contrôle de la chambre régionale des huissiers de justice (article 19 du décret du 29 février 1956).
  • L’établissement de constat : c’est le fait pour l’Huissier de Justice ou son clerc habilité aux constats  sous la responsabilité de l’Huissier de Justice (lorsque la demande est faite par un particulier ou une société) de relater de manière objective les faits qu’il voit pour prévenir un préjudice ou préserver des droits. Les constats peuvent également être dressés sur commission du juge et dans ce cas, seul l’Huissier de Justice a capacité pour l’établir. Le constat fait foi jusqu’à preuve contraire sauf en matière pénale où il n’a que valeur de renseignement.
  • La rédaction d’acte sous seing privé : c’est le fait pour l’Huissier de Justice de procéder à la rédaction de contrat (ex un bail). Dans le cadre de cette activité l’Huissier de Justice doit s’abstenir de négocier (article 1 du Décret du 29 février 1956) mais il doit conseiller.
  • La consultation juridique : l’Huissier de Justice étant un professionnel du droit, un juriste, il a les compétences nécessaires pour prodiguer des conseils juridiques.
  • L’établissement de mesure conservatoire après l’ouverture d’une succession (ex : L’Huissier de Justice va procéder à l’inventaire des biens du défunt dans le cadre de la succession).
  • Enfin la possibilité d’être désigné liquidateur dans certaines procédures de liquidation judiciaire ou d’assistant du juge commis dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel, dans les conditions prévues par le titre IV du livre VI et le livre VIII du code de commerce.


c) Les fonctions accessoires

Elles sont au nombre de trois et sont énumérées par l’article 20 Décret n°56-222 du 29 février 1956 pris pour l’application de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice :

  • Administrateur d’immeubles ;
  • Agent d’assurances ;
  • Médiateur conventionnel ou judiciaire.

Dans le cadre de ces activités, l’Huissier de Justice ne doit pas faire état de sa fonction d’Huissier de Justice, sauf pour celle de Médiateur. L’exercice de ces activités ne peut se faire qu’après information de la Chambre Régionale et du Procureur Général près la Cour d’Appel dans le ressort de laquelle est établie l’office. La comptabilité relative à ces activités doit être dissociée de celle concernant les activités monopolistiques et non monopolistiques.

L’Huissier de Justice a une compétence nationale pour l’exercice de ces missions de même que pour l’exercice des activités partagées (article 3 Ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers).

III)

L’accès à la profession

L’accès à la profession d’Huissier de Justice se fait sous réserve de remplir des conditions de nationalité, de moralité et de diplôme.

C’est l’article 1er du Décret n°75-770 du 14 août 1975 qui les précise :

« Nul ne peut être huissier de justice, s’il ne remplit les conditions suivantes :

1° Être Français ;

2° N’avoir pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ;

3° N’avoir pas été l’auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, mise à la retraite d’office, de retrait d’agrément ou d’autorisation ;

4° N’avoir pas été frappé de faillite personnelle ou de l’interdiction prévue à l’article L. 653-8 du code de commerce ;

5° Être titulaire soit de la maîtrise en droit, soit de l’un des titres ou diplômes qui seront reconnus comme équivalents pour l’exercice de la profession d’huissier de justice par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice ;

6° Avoir accompli un stage dans les conditions prévues au chapitre II, sous réserve des dispenses prévues aux articles 2, 3, 4, 5, 5-1, 5-2 et 5-3 ;

7° Avoir subi l’examen professionnel prévu au chapitre III, sous réserve des dispenses prévues aux articles 2, 3, 4, 5-2 et 5-3″.

Dès lors que ces conditions cumulatives sont remplies (sous réserve de certaines dispenses), l’Huissier de Justice doit être nommé par arrêté du Garde des Sceaux (article 22 du Décret du 14 août 1975) et prêter serment dans le mois suivant sa nomination (article 35 du Décret du 14 août 1975) :

« Dans le mois de leur nomination, les huissiers de justice prêtent serment devant le tribunal de grande instance, en ces termes :

« Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d’observer en tout les devoirs qu’elles m’imposent. »

Ils ne peuvent exercer leurs fonctions qu’à compter du jour de leur prestation de serment ».

Enfin l’Huissier de Justice peut choisir d’exercer à titre personnel ou sous forme de société (article 1 bis AA de l’ordonnance du 02 novembre 1945).

IV)

L’évolution de la profession

L’Huissier de Justice est un juriste de proximité, proche de la société et qui se veut en phase avec son temps.

Ainsi, il s’est adapté ces dernières années avec les nouvelles technologies de communication en faisant évoluer ses services et son organisation.

Il a en effet commencé par informatiser son office et s’équiper d’un logiciel professionnel.

Puis, il s’est mis à l’heure de la dématérialisation avec l’utilisation du scanne, la signification par voie électronique, la création de site internet et l’émission et la réception de plus en plus fréquente de mails.

Ces moyens de communication modernes ont fait émerger de nouveaux problèmes, auxquels l’Huissier de Justice a dû faire face et s’adapter. Ainsi, il est de plus en plus sollicité pour élaborer des constats SMS ou internet. Pour lui faciliter cette mission grandissante de nombreuses applications voient le jour à côté du dictaphone (ex : HDJBOX, LEGATUS, CAPT N FLASH…).


Enfin, la dernière évolution ou « révolution » de cette profession est la disparition demain de la dénomination « d’Huissier de Justice » en tant que telle avec la fusion de celle de commissaire priseur judiciaire pour donner naissance dès juillet 2022 aux Commissaires de Justice.
Cette innovation résulte de l’ordonnance n°2016-728 du 02 juin 2016, qui fixe le statut de Commissaire de Justice et, son décret d’application n°2019-1185 du 15 novembre 2019, qui lui précise les contours de la formation professionnelle des Commissaires de Justice et les conditions d’accès à la profession.

Cette création professionnelle doit se faire en trois temps dont la première a déjà été initiée :

  • Le 1er janvier 2019 : la création de la Chambre Nationale des Commissaires de Justice remplaçant la Chambre Nationale des Huissiers de Justice et la Chambre Nationale des Commissaires-Priseurs Judiciaires.
  • En juillet 2022 : la naissance des premiers Commissaires de Justice ;
  • En juillet 2026 : la fin d’exercice des officiers ministériels n’ayant pas suivi la formation de Commissaire de Justice.

Notes et références :